Comment l'échec de l'envoi de 170.000 SMS a-t-il pu impacter la baisse du nombre des demandeurs d'emploi au mois d'août 2013 ?
Et qui est responsable: Pôle emploi ou SFR, le prestataire choisi pour ces envois ? Enquête.
On en sait plus sur le "bug" qui a affecté les statistiques des demandeurs d'emploi inscrits à Pôle Emploi au mois d'août.
Le directeur général de Pôle emploi, Jean Bassères, a assumé ce mardi "une responsabilité partagée" avec SFR sur le bug, tout en attribuant la responsabilité technique à l'opérateur, qui joue un rôle de prestataire de services pour l'agence en mettant à sa disposition une plateforme d'envoi de SMS.
170.000 SMS perdus dans la nature
L'incident technique, reconnu par SFR, a empêché 170.000 demandeurs d'emploi, clients d'un autre opérateur que SFR, de recevoir les SMS de relance que Pôle Emploi envoie systématiquement à cinq jours environ de la fin de la période d'actualisation des inscriptions, à tous les inscrits qui ne se sont pas encore actualisés. Ces relances sont effectuées par courrier, par mail ou par SMS selon les préférences des allocataires.
Chaque mois, les demandeurs d'emploi doivent actualiser leur situation auprès de Pôle Emploi, pour renseigner s'ils sont toujours à la recherche d'un emploi, s'ils ont repris une activité, etc...
De cette actualisation dépend la continuité de l'inscription à Pôle Emploi, et c'est elle qui déclenche l'indemnisation. Si le chômeur ne s'actualise pas, il n'est pas radié, mais il est désinscrit (il peut alors se réinscrire plus facilement que s'il avait été radié), et il sort des listes et donc des statistiques. Il y revient le mois suivant.
C'est ce qui va se passer pour les quelque 32.000 à 41.000 personnes qui, sans ce bug, se seraient actualisées, selon Jean Bassères.
Personne n'a remarqué l'incident
Lors de l'incident, qui a eu lieu vers le 11 septembre 2013, les 650.000 relances par SMS sont bien parties, mais pour des raisons techniques relevant de la responsabilité de SFR, 170.000 ne sont pas arrivés. Ils n'ont pas été retardés, ils ne sont pas parvenus du tout à leurs destinataires.
La deuxième erreur, partagée par SFR et Pôle Emploi, a été de ne pas avoir repéré tout de suite cet incident, qui aurait pu l'être dès le lendemain.
S'il avait été repéré plus tôt, les SMS auraient pu être renvoyés avant la fin de la période d'actualisation.
Pôle emploi a "la responsabilité partagée (avec SFR, ndlr) de s'assurer qu'une campagne de SMS se déroule bien", a expliqué Jean Bassères sur RMC et BFMTV. "Force est de constater que l'on n'a pas réussi à avoir en temps réel une vision suffisante de ce dispositif, que l'on a finalement complètement analysé vendredi", a-t-il précisé.
Une des raisons de ce délai, du côté de Pôle Emploi, est sans doute liée à la particularité des mois d'août-septembre. Avec les vacances, plus de demandeurs d'emploi oublient de s'actualiser et les services n'y ont vu que du feu.
L'enquête est close
L'enquête a été déclenchée par le ministère du Travail, qui s'étonnait du "nombre particulièrement élevé de demandeurs d'emploi" n'ayant "pas actualisé leur inscription" pour le mois d'août. L'enquête est désormais close. Lors de son audit, Pôle Emploi a notamment écarté un dysfonctionnement du système d'actualisation en ligne, après que le site a connu un bug empêchant l'affichage
Sans ce dysfonctionnement, la baisse des demandeurs d'emploi aurait été moindre qu'annoncé, "comprise entre 22.000 et 29.000" selon Pôle emploi.
Le 25 septembre 2013, l'organisme avait annoncé une baisse de 50.000 demandeurs d'emploi en catégorie A (sans activité) en métropole.
La fiabilité des statistiques de chômage en question
"Ce n'est pas acceptable, c'est scandaleux", a dénoncé le numéro un de la CFDT Laurent Berger," parce qu'il faut qu'on ait des chiffres fiables".
Une source proche du dossier a confié à l'AFP que le ministre du Travail, Michel Sapin, "furieux", avait convoqué de façon "sévère" le directeur général de Pôle emploi, ainsi que de celui de la Dares, chargée des statistiques du ministère.
Chaque mois où presque, les économistes mettent en garde contre la "volatilité" de ces données qui relèvent d'une gestion administrative et ne sont pas reconnues dans les comparaisons internationales.
La plupart lui préfèrent le taux de chômage trimestriel de l'Insee, calculé sur la base d'une enquête menée auprès de 100.000 personnes.
L'été dernier déjà, la présidente du Conseil d'orientation pour l'emploi (COE), Marie-Claire Carrère Gée, s'étonnait des "évolutions particulièrement erratiques et inexpliquées de certains chiffres".
"On donne beaucoup trop d'importance à ce chiffre des inscrits en catégorie A, qu'il faut prendre avec énormément de précaution.
Certains statisticiens de Pôle emploi disent même que toute variation mensuelle inférieure à 20.000 demandeurs d'emploi ne veut rien dire", affirme Eric Heyer, directeur adjoint à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Selon l'économiste, "le problème est que ces chiffres sont devenus un enjeu politique, car il permettent d'avoir une idée rapide de l'efficacité des politique publiques". Et de souligner: "Il n'y a aucune raison pour expliquer que le chômage ait baissé au mois d'août 2013, alors que l'on détruit 120.000 emplois par an et que la population active augmente".
Pour Jean-Baptiste de Foucault, ex-Commissaire au plan spécialiste des questions d'emploi, il faut cesser de "fétichiser" les chiffres du chômage et faire comprendre "qu'il n'y a pas de chiffre rigoureusement exact". "Les chiffres de Pôle emploi sont précis, mais pas exhaustifs. Et ceux de l'Insee sont imprécis, car ils relèvent d'une enquête".
Le gouvernement maintient malgré tout sa confiance aux statistiques de Pôle emploi, dont l'évolution permettra d'apprécier la concrétisation de la promesse de François Hollande. "De toute façon, il faut regarder la moyenne sur trois mois, on l'a toujours dit et on continuera à le dire", souligne-t-on au ministère du Travail.
En attendant, le ministère du Travail et Pôle Emploi ont signalé qu'ils allaient renforcer le contrôle qualité des procédures.
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